Le château au XIXème siècle

Les illustrations anciennes du château de Passy sont extrêmement rares, voire inexistantes. Il est donc particulièrement difficile de se représenter son état au cours des siècles. On ne peut se fier la plupart du temps qu’à la transmission orale de génération en génération. Nous avons cependant quelques éléments pour le début du XIXème siècle.

GravureLa gravure réalisée par Barat pour son Album historique et pittoresque du Nivernois, paru en 1840, est la plus ancienne représentation que nous connaissions.
Même si elle est quelque peu imprécise, elle nous renseigne sur la façade sud du château. On y constate que la base d’une seconde tour ronde à l’ouest du donjon est toujours présente. Ce ne sera plus le cas quelques années plus tard suite à la construction du batiment de battage par le fermier du Marquis Alexandre Gravier de Vergennes, un nommé Chambron, comme nous l’indique Albert Michot dans son ouvrage dédié à Passy (voir un extrait en fin d’article).

Mais qu’en est-il des deux autres tours au nord et des murs d’enceinte les reliant ? Deux documents nous prouvent que ces éléments existaient toujours, au moins en partie.

Cadastre 1827 Nous avons tout d’abord pour l’année 1827 un plan cadastral. On y voit nettement indiqués les quatre tours rondes, la façade, les douves Est et Ouest, ainsi que le mur d’enceinte Nord. Les murs Est et Ouest ne sont pas clairement représentés, mais on peut les supposer présents. Ce plan est tiré du livre d’Albert Michot, mais nous allons nous rendre sous peu aux archives départementales où les originaux peuvent être consultés depuis le mois dernier…
On peut également remarquer la représentation de l’aqueduc, long d’une centaine de mètres, reliant le fossé sud au pré en contrebas de la rivière, ainsi que la dérivation de cette même rivière pour alimenter les fossés du château en eau.

Etat Major 1866 Nevers Le second document nous donnant une idée de l’état du château est une carte d’Etat-Major, que nous a gentiment transmis M. Sévin.
Succédant à la carte de Cassini dont l’absence de mise à jour devenait une gêne de plus en plus grande, les cartes d’Etat-Major ont été réalisées à partir de 1827 par ordonnance royale, et ce jusqu’en 1880. Il a en effet fallu tout ce temps pour obtenir tous les relevés topographiques de la France. Etat Major 1866 Passy Et c’est la première fois que les formes du bâti sont rendues avec précision sur une carte ce qui nous intéresse tout particulièrement… Et voici le résultat obtenu pour Passy :

On y devine clairement les quatre tours avec les quatre murs d’enceinte. Mais la surprise est que l’on y voit également un bâtiment face au château. S’agit-il d’une erreur ? Probablement non… Il y a de fortes chances pour qu’il s’agisse du pigeonnier qu’a connu Albert Michot et dont il nous parle :

On pouvait voir également, à peu de distance du château, et lui faisant face, un pigeonnier en forme de tour ronde, certainement plus récent que le château. Ce pigeonnier tombait en ruines, mais mettait cependant dans le paysage une note pittoresque. J’y ai souvent joué lorsque j’étais enfant. C’est le dernier propriétaire qui l’a fait abattre. C’est lui également qui fit démolir le bâtiment ayant abrité le battage, lequel, d’ailleurs, tombait en ruines.

Les relevés des cartes d’Etat-Major ayant duré près de 56 ans, à quelle date correspond l’état du château sur cette carte ? Nous avons fait quelques recherches pour le déterminer, en partant du nom de l’officier chargé de son relevé topographique. On apprend sur la carte qu’il s’agit d’un certain de Combles. On retrouve cette information dans le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France : Archives de la guerre, par Louis Tuetey :

Carte de France, feuille de Nevers : mémoires 1° sur les environs de Fougues et de Nérondes, par Dieu, capitaine d’état-major, 22 mars 1841 (44 pages et tableau statistique) ; sur les environs de la Charité, par Masse de Combles, capitaine d’état-major, 30 mars 1841 (49 pages et tableau statistique)

En effectuant quelques recherches sur ce capitaine, on apprend dans ses états de service publiés lors de sa nomination au rang de chevalier de la légion d’honneur qu’il a été affecté le 1er avril 1839 aux travaux topographiques de la carte de France.

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On peut donc sans trop de risque conclure que ce relevé a été réalisé entre 1839 et 1841. Le château était donc en ce milieu de siècle constitué de ses quatre tours et de ses murs d’enceinte, même s’ils devaient être déjà à l’état de ruines… Et comme le dénommé Chambron s’est “retiré” en 1860, c’est au cours de cette vingtaine d’année qu’il a rasé la tour sud-ouest pour y construire son battage, et qu’il a dû récupéré bon nombre de pierres de tailles pour bâtir sa maison de maître.

passy_avant_1890_-_1n En effet, des photographies anciennes, tirées d’un recueil publié en 1890, nous montrent l’état du château quelques années plus tard, proche de son état actuel…

Annexes

Extrait de “Le château de Passy-les-Tours” d’Albert Michot

Vers le milieu du XIXème siècle, un fermier du marquis de Vergennes, nommé Chambron – c’était d’ailleurs mon grand-oncle – habitant la grande ferme de Passy, exploitait également le petit domaine de Passy dont fait partie le château, le domaine de Sourdes et le domaine du Crot-Guillot. Ce fermier menait une vie de grand seigneur, et c’est probablement lui qui fit démolir ce qui restait de l’une des quatre tours rondes, celle faisant pendant en façade à la tour qui existe encore au sud-est. Il fit construire sur son emplacement un bâtiment abritant un battage. Ce dernier était actionné par une roue hydraulique installée sur une chute d’eau entre l’étang et le fossé ouest du château. Ce bâtiment était couvert en tuiles et adossé au donjon. Il existait encore du temps de ma jeunesse, et j’ai vu à l’intérieur des restes du mécanisme de battage. Les chefs de culture des fermes  dépendant de Passy amenaient leur récolte de céréales au battage du château.

Vers 1860, lorsque M. Chambron, ayant amassé une fortune suffisante, songea à se retirer, il fit construire à Passy, à proximité de la ferme, une belle maison de maître avec terrasse, qui existe encore actuellement. Et comme il disposait du château de Passy, il trouva économique d’utiliser comme matériaux des moellons et même des pierres de taille prélevées sur les murailles du château. C’est vraisemblablement à cette époque que les pierres de taille de la tour hexagonale intérieure furent enlevées. C’est à ce moment également qu’une grande partie des escaliers permettant de monter dans les diverses tours furent détruits ou leur marches cassées au début.

Après le départ de M. Chambron, il restait encore cependant des vestiges des deux autres tours et de la presque totalité des murs d’enceinte. On pouvait voir également, à peu de distance du château, et lui faisant face, un pigeonnier en forme de tour ronde, certainement plus récent que le château. Ce pigeonnier tombait en ruines, mais mettait cependant dans le paysage une note pittoresque. J’y ai souvent joué lorsque j’étais enfant. C’est le dernier propriétaire qui l’a fait abattre. C’est lui également qui fit démolir le bâtiment ayant abrité le battage, lequel, d’ailleurs, tombait en ruines. Mais les deux dernières tours d’angle existant à l’arrière du château, ainsi que les restes de murs d’enceinte les réunissant, ont également disparus.

Nomination du capitaine Masse de Combles au rang de chevalier de la Légion d’Honneur

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ChristoZ

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