Réduction de Minerai de Fer – 2014

LOGOEMETALBERTRANGELa réduction de minerai de fer de Passy-les-Tours s’inscrit dans une action de mise en valeur des activités métallurgiques qui se sont déroulées depuis deux-mille ans dans la zone du Massif forestier des Bertranges, à une dizaine de kilomètre au Nord-Est de la ville de La Charité-sur-Loire.

Cette activité se déroule dans le cadre des journées médiévales du château de Passy-les-Tours organisées par l’association Les Tours de Passy le 20 septembre 2014.

Elle est animée par Philippe Andrieux, archéologue paléométallurgiste, avec le concours des élèves forgerons de la section des Métiers d’Art du Lycée Professionnel Le Mont Chatelet de Varzy et le soutien de la Communauté de Communes du Pays Charitois.

Le fourneau reconstitué est un Bas-Fourneau du type de ceux présenté dans le De Re Métallica (1556) de Georgius Agricola. Il a été reconstitué en 2013 par des jeunes stagiaires de l’École de la Deuxième Chance de Cosne comme vous pouvez le voir sur le blog qu’ils ont créé pour l’occasion : http://projet-bertrange.over-blog.com/

Son fonctionnement est basé sur la mise en température et en atmosphère réductrice d’une colonne de charbon de bois activée par une tuyère ventilée par deux soufflets. Le minerai de fer est mêlé au charbon de bois à mesure que ce dernier descend dans la colonne de réduction ainsi créée. Son état se modifie alors à mesure qu’il descend jusqu’à former une éponge de cristaux de fer noyés dans la scorie au niveau de la tuyère.

Figure 1
Figure 1

Cet ensemble se compose de deux parties ( Figure 1) :

  • Sous la tuyère du fourneau, à l’endroit le plus chaud (1350-1450°c) le métal se dégage complètement de la scorie qui s’écoule vers le bas (1).
  • Sous cette couronne, le métal est également présent, mais reste plus ou moins englué dans la scorie (2)

Ce bloc composite devra alors être réchauffé dans une « forge d’épuration » qui, en réchauffant le massiot, permettra à la scorie de se reliquéfier et au fer de se libérer.

Figure 2
Figure 2

Les éléments ferreux seront alors récupérés par le Ferron qui, petit à petit, va les regrouper par martelage puis forgeage pour obtenir un « lopin » de fer. Un feu comme une ménagère qui écraserait une éponge imprégnée de graisse pour l’en libérer. (figure 2)

Le minerai utilisé cette année est une hématite (mélange d’oxyde de fer, d’eau et d’impuretés) d’environ 60 à 70% de teneur en fer, comparable aux minerais utilisés jadis dans ce type de fourneau.

Figure 3
Figure 3

Il n’est pas identique au minerai qui fut utilisé localement aux mêmes époques. Ce dernier était alors un minerai pisolithique se présentant en grains de 5 à20 mm dans un sédiment argileux. Son exploitation a cessé au début du 19e siècle. (figure 3)

Plus de précision en ouvrant la présentation suivante : icone_livre

 La mémorisation de l’expérimentation est réalisée selon deux procédures :

  • Neuf sondes pyrométriques sont disposées dans les parois du four et une au « nez » de la tuyère :
    • Nez de la tuyère
    • Niveau de la tuyère coté droit et côté gauche du fourneau
    • Niveau de la tuyère sur le côté face à la tuyère (haut de la porte briquetée)
    • 4 sondes dans les mêmes positions, 30 cm au dessus du niveau de la tuyère
    • 1 sonde 60cm au dessus de la tuyèreUn enregistreur Graphtec GL200 réalisera un cycle de mesure toutes les minutes.Il faut ici attirer l’attention sur le fait que les sondes ne donneront que la température périphérique du fourneau, au niveau des parois. Il s’agit donc là de températures minimales. En effet, il n’est pas techniquement possible de disposer de mesure à cœur à cause du fait que la mase réductrice est en mouvement constant, rendant mécaniquement impossible la mesure (une sonde rigide bloquerai la descente, une sonde souple serait rapidement brulée et brisée).
  • Parallèlement son notés dans un tableau Excel gradué en minutes :
    • Les ajouts de charbon de bois par seau de 10l (2kg)
    • Les ajouts de minerai par dose de 2 kg
    • Les gestes techniques : allumage, gestes techniques (niveau de ventilation par ex.), incidents, remarques éventuelles.
Figure 4
Figure 4

Les deux enregistrements seront rapprochés (figure 4) ensuite pour analyser l’ensemble de l’opération. Ce rapprochement permettra d’analyser les conséquences de tel ou tel geste, tel ou tel incident, sur la conduite de l’opération et son éventuel impacte sur le massiot produit.

Plus largement, la comparaison des expérimentations entre elles, enregistrées selon le même protocole, permettra des comparaisons et des enseignements sur la conduite possible de ce type de fourneaux. On se donne ainsi les moyens de mieux comprendre les anciens métallurgistes.

L’expérimentation a duré un dizaine d’heure, sans compter une préchauffe au bois de la colonne depuis la veille pour en chasser l’humidité et préchauffer l’ensemble.

Les premières charges de charbon de bois on été faites après briquetage de la porte inférieure du fourneau (11h21).

La ventilation a débuté environ 30 minutes après les premières charges au moment de leur inflammation. Ce vent est augmenté dix minutes plus tard, alors que le charbon ajouté régulièrement atteint le niveau de la tuyère et  qu’il est à son tour enflammé.

 De nouvelles charges interviennent régulièrement dans les 45 minutes suivantes. (figure 4).

Au moment où le fourneau est plein et que la couleur de la tuyère est alors jaune clair, on lance totalement la ventilation (12h19). L’introduction du minerai commence.

Le protocole de charge est le suivant :

  • 2 kg de minerai
  • 10 litres de charbon de bois (2 kg)
  • Des charges de charbon seront ajoutées selon le besoin pour maintenir le haut de la charge horizontal.

 On constate ainsi qu’en moins de 90 minutes, le fourneau passe de 250-300°c à plus de 1200°c au point de mesure de la tuyère (cf. ci-dessus notre remarque sur les sondes et leur place). L’observation de la couleur du nez de tuyère, par l’intérieur de cette dernière indique, elle, plus de 1300°c (Jaune-blanc).

On remarque également que deux heures plus tard, les courbes tendent à l’horizontale, indiquant ainsi la stabilité thermique relative de la colonne.

Pour autant, la comparaison avec les deux expérimentations précédentes font apparaître un problème : la relative irrégularité des charges de minerai et de charbon.

Alors que, dans les deux expérimentations précédentes, ces charges étaient très régulières, passé les vingt premiers kilogrammes de minerai, elle demeureront ici irrégulières.

On constate également un certain nombre d’ajout de charbon pour régulariser le haut de la colonne, indiquant ainsi un problème de descente de charges.

On constate également qu’au lieu des 100kg de minerai traité les fois précédentes, nous n’en passons que 76.

Enfin, à l’arrêt des charges de minerai, la masse ne descend pas significativement, témoignant ainsi d’un « blocage ».

 Ce phénomène est lié au charbon de bois : celui que nous avons acheté pour cette expérimentation s’est avéré très friable et avoir une tendance à s’émietter.

On obtient alors ici une maille, une porosité de colonne amoindrie, empêchant ainsi la bonne combustion au sein de la colonne.

D’où une descente des charges plus lentes, d’où moins de minerai passé à durée égale.

D’autres incidents apparaissent également sur le graphique :

  • La sonde 5, à 30 cm au dessus de la tuyère montre des oscillations indiquant son contact avec des impuretés ou la présence de masques thermiques.
  • La sonde 8, au dessus de la porte du fourneau, 30 cm au dessus du niveau de la tuyère, montre une rupture à partir de 16h10, incident fréquent dans un milieu chimiquement et thermiquement très agressif.
  • La sonde 10, 60 cm au dessus de la tuyère, montre de fortes oscillations qu’il faut sans doute lier à des problèmes de descente de la colonne de charbon. Il suffit d’un élément de charbon contre la sonde pour perturber sa lecture de température, comme un masque ou un isolant.
  • Si nous comparons le comportement de cette sonde avec les charges de minerai et de charbon, on constate qu’elles sont également irrégulières, autre témoignage d’une anomalie interne.

 En résumant l’ensemble de ces constats nous obtenons une manipulation qui présente des imperfection, des irrégularités de fonctionnement, un déficit de rendement face aux deux expérimentations précédentes.

En particulier, le problème de blocage de descente de colonne va obliger l’équipe à une ouverture et une vidange « à chaud »
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Effectivement le massiot obtenu est « moins beau ». Ce qui ne veut pas dire qu’il est à rejeter, mais que son épuration et son rendement seront à comparer avec attention avec les massiots précédents.
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Nous avons, à l’évidence, encore beaucoup à apprendre des savoir-faire de nos anciens.

Philippe ANDRIEUX

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