Etude architecturale d’Albert Michot

En 1952, Albert Michot publie aux éditions Delayance un ouvrage qui fera référence, Le château de Passy-les-Tours”. Il y évoque avant tout l’histoire du château et de ses seigneurs, mais aussi son architecture, y mêlant régulièrement des souvenirs personnels très utiles.

En voici un extrait concernant l’étude du château, suivi de quelques commentaires :

plan_michot D’après ce qui reste du château, il est assez facile de reconstituer le plan d’ensemble. La plupart des constructions du même genre de l’époque étant d’ailleurs conçues d’après ce qu’on appelait le plan “Barlong”, ce qui avait grossièrement la forme d’un rectangle. Il en est ainsi pour Passy, bien que le rectangle soit plutôt un trapèze. Les dimensions en sont environ de 50 mètres en tout, en largeur et en longueur, tours d’angle comprises. Une tour ronde se dressait aux quatre sommets du quadrilatère. Ces tours étaient munies de meurtrières flanquant les fossés entourant l’ouvrage. Seule la tour I subsiste. Comme je vous l’ai dit, la tour II a été détruite lors de l’établissement du battage. Quant aux tours III et IV, dont les murs étaient encore visibles il y a une trentaine d’années, elles ont à peu près disparu, mais il est facile de retrouver leurs assises. Ces quatre tours ont à l’intérieur, 3m. 80 de diamètre environ, et les murs 1m. 70 d’épaisseur. Les murs d’enceinte ont, eux aussi, une épaisseur de 1m. 70. Une partie du mur est existe encore et les assises des murs nord et ouest sont visibles. Sur l’assise du mur ouest a été édifié, à une date certainement récente, un mur moins épais servant de clôture. Quant aux murs côté sud, sauf l’extrémité ouest qui a à peu près disparu, les autres existent encore et constituent la façade de l’édifice lui-même. Ces murs n’ont, par endroits, que 1m. 20 ou 1m. 25 d’épaisseur.Le château devait comprendre :
  • La partie principale constituée par le donjon proprement dit, qui est encore debout. Elle atteint environ 25 mètres de hauteur. C’est sous cette partie qu’est le couloir d’accès qui est commandé par le pont-levis. C’est dans le donjon que devaient se trouver les appartements seigneuriaux. On distingue en effet très nettement, au-dessus du couloir d’accès, les traces de cinq étages, de construction très soignée, avec cheminées monumentales ouvragées, de belle allure. A côté, toujours dans le donjon, devaient se trouver d’autres appartements. Une salle du rez-de-chaussée, avec voûte en ogive, est encore intacte. Elle mesure intérieurement 9m. sur 5m.
  • Le corps de logis reliant le donjon à l’enceinte et à la tour I. Cette partie détruite, sauf en façade, comprenait en avancée une tour carrée. Elle ne constitue plus actuellement qu’une cour intérieure, mais il est visible qu’elle était divisée elle aussi en appartements dont on distingue facilement deux ou trois étages. D’ailleurs, une grande cheminée monumentale, construite en pierres de taille, existe encore presque entièrement. Elle devait mesurer 3 mètres environ de largeur à la base. Ce corps de logis devait communiquer avec le donjon et la tour I. Au rez-de-chaussée de cette dernière se trouve une pièce voûtée avec une seule fenêtre en meurtrière qui servait vraisemblablement de prison ou de cachot.

Un mur de séparation encore en partie visible séparait ce corps de logis de la cour intérieure. Près de ce mur, et au coin du donjon, se trouve adossée une belle tour hexagonale, de construction très soignée, mais plus récente. L’intérieur de cette tour est circulaire et elle possédait des escaliers tournants qui devaient conduire aux étages du donjon.

A l’angle nord-est du donjon, une tour carrée de même hauteur, circulaire à l’intérieur, possède un escalier en colimaçon encore à peu près intact, sauf au départ, qui devait desservir le haut du donjon.

Les deux tours encastrées, d’environ 2 mètres de diamètre extérieur, qui flanquent le couloir d’entrée, sont elles aussi, munies d’escaliers. Des meurtrières permettaient la défense de l’édifice, et une galerie de mâchicoulis, que l’on voit encore, les reliait à la partie supérieure.

  • Enfin, il devait encore exister des constructions, logements, corps de garde ou magasins, du côté du mur d’enceinte côté est. Il en reste d’ailleurs encore des vestiges. On voit même dans l’épaisseur du mur des waters avec une pierre de 0m. 10 d’épaisseur percée d’un trou de 25cm. de diamètre. La vidange devait se faire dans le fossé qui borde la muraille de ce côté. Les murs de séparation des différents corps de logis ont, en général, de 0m. 70 à 1m. 20 d’épaisseur.

Tout le reste de l’enceinte, limitée par les murs extérieurs côtés nord et ouest, paraît n’avoir été qu’une cour intérieure. Nous avons vu que Perrinet-Gressart avait fait construire un four à chaux, très probablement dans cette cour. La tour de guet, dont parle également Perrinet dans son “Mémoire”, était vraisemblablement située en haut de la tour I ; elle existe encore en partie.

De l’avis de M. Beaulieu, entrepreneur à la Charité, en compagnie duquel j’ai examiné de près la maçonnerie du château, toute la pierre ayant servi à la construction proviendrait de Sainte-Hélène ; il s’agit, en effet, de calcaire coquillier à assez gros grain, très caractéristique. Cette pierre a du être choisie de façon à n’être utilisée que longtemps après son extraction, car elle s’est bien comportée au cours des cinq siècles écoulés. Quant au mortier utilisé pour l’assemblage des moellons et des pierres de taille, nous avons trouvé pour le donjon du mortier de terre renforcé, semble-t-il, de mortier de chaux.

Dans les parties de la façade percées de fenêtre à meneaux dans le style Renaissance, il est visible que ces modifications sont postérieures à la construction primitive, comme l’indique la mise en place des matériaux de ces ouvertures.

La destruction du château provenant surtout de l’incendie, il ne reste naturellement aucune trace des toitures, ni des charpentes et solivages intérieurs.

Vous savez que dans beaucoup d’anciens châteaux de l’époque féodale, il existait des oubliettes et souvent des souterrains permettant aux occupants, en cas de siège de s’échapper de l’enceinte. Certains de ces souterrains allaient souvent déboucher à plusieurs kilomètres du château lui-même. Le château des Rauches, près d’Argenvières, en possédait de très importants. Y avait-il à Passy également de telles communications avec l’extérieur ? Ce n’est pas impossible, mais rien de précis ne permet de l’affirmer. Cependant, on a pu voir pendant longtemps, à proximité de la tour IV, dans la région marquée d’une croix, des restes d’excavations en partie comblées. D’autre part, entre Passy et Sourdes, on a trouvé dans les champs cultivés également des vestiges d’excavations qu’on a assimilés, sans preuves d’ailleurs, à des entrées de souterrains communiquant avec le château.

A l’époque de Perrinet Gressart et au cours des siècles suivants, le château ne devait pas être la seule construction existant à Passy. Des maisons d’habitation entouraient certainement le château, dans la région actuellement habitée du village. Mais ces maisons ont dû être détruites ou ont été abattues et remplacées par des constructions plus récentes. Une des plus anciennes doit être la maison d’habitation de la ferme. Il s’agit d’une construction, certes plus récente que le château, mais cependant très ancienne. De forme massive, on y peut admirer cependant des lucarnes ouvragées très caractéristiques. Il a d’ailleurs existé sur cette maison une girouette en tôle portant une fleur de lys. Cette girouette a malheureusement disparu depuis longtemps au cours d’une réparation. On a trouvé également dans cette ferme des clés forgées très ouvragées qu’on a supposé provenir du château.

Commentaires

  • Tout d’abord, A. Michot nous parle d’un plan barlong. Or d’après les mesures effectuées en 1945 par les architectes du patrimoine, le château ne devait pas être plus long que large. On s’approche davantage du carré, d’environ 50 mètres de côté.
  • Ensuite, on apprend que les murs des tours III et IV étaient encore visibles dans les années 1920, ce qui est très intéressant dans l’éventualité où nous voudrions lancer un programme de fouilles pour retrouver les fondations de la tour IV.
  • A. Michot évoque, quand il nous parle du donjon, la présence d’un pont-levis. Nous aimerions savoir quelles sont ses sources, rien ne nous prouvant en l’état de nos connaissances l’existence d’un tel pont-levis.
  • L’escalier de la tour carrée jouxtant le donjon, aujourd’hui détruit, semblait en 1950 à peu près intact.
  • La pierre calcaire utilisée pour au moins une partie du donjon proviendrait de la carrière toute proche de Sainte-Hélène. Le mortier de terre dont nous parle Michot est certainement celui utilisé vers l’entrée de la salle à voute en ogive : cette partie semble bien plus ancienne que le reste du donjon.
  • Enfin, l’excavation dont il nous parle mériterait d’être fouillée, afin d’avoir le coeur net de la présence ou non de souterrains…

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